L'amour souffrance
--> extrait de Phèdre
PHEDRE
269 Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d'Egée
270 Sous ses lois de l'hymen je m'étais engagée,
271 Mon repos, mon bonheur semblait être affermi;
272 Athènes me montra mon superbe ennemi:
273 Je le vis, je rougis, je palis à sa vue;
274 Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue;
275 Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
276 Je sentis tout mon corps et transir et bruler;
277 Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
278 D'un sang qu'elle poursuit, tourments inévitables.
279 Par des voeux assidus je crus les détourner .
280 Je lui batis un temple, et pris soin de l'orner;
281 De victimes moi-même à toute heure entourée,
282 Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée:
283 D'un incurable amour remèdes impuissants!
284 En vain sur les autels ma main brulait l'encens:
285 Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
286 J'adorais Hippolyte; et, le voyant sans cesse,
287 Même au pied des autels que je faisais fumer,
288 J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.
289 Je l'évitais partout. À comble de misère!
290 Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
291 Contre moi-même enfin j'osai me révolter:
292 J'excitai mon courage à le persécuter.
293 Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
294 J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre,;
295 Je pressai son exil; et mes cris éternels
296 L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
297 Je respirais, Oenone; et, depuis son absence,
298 Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence;
299 Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
300 De son fatal hymen je cultivais les fruits.
301 Vaines précautions! Cruelle destinée!
302 Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
303 J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné:
304 Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
305 Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée:
306 C'est Vénus tout entière à sa proie attachée.
307 J'ai connu pour mon crime une juste terreur:
308 J'ai pris la vie en haine et ma flamme en horreur;
309 Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
310 Et dérober au jour une flamme si noire:
311 Je n'ai pu soutenir tes larmes, tes combats:
312 Je t'ai tout avoué; je ne m'en repens pas,
313 Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
314 Tu ne m'affliges plus par d'injustes reproches,
315 Et que tes vains secours cessent de rappeler
316 Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler.
269 Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d'Egée
270 Sous ses lois de l'hymen je m'étais engagée,
271 Mon repos, mon bonheur semblait être affermi;
272 Athènes me montra mon superbe ennemi:
273 Je le vis, je rougis, je palis à sa vue;
274 Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue;
275 Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
276 Je sentis tout mon corps et transir et bruler;
277 Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
278 D'un sang qu'elle poursuit, tourments inévitables.
279 Par des voeux assidus je crus les détourner .
280 Je lui batis un temple, et pris soin de l'orner;
281 De victimes moi-même à toute heure entourée,
282 Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée:
283 D'un incurable amour remèdes impuissants!
284 En vain sur les autels ma main brulait l'encens:
285 Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
286 J'adorais Hippolyte; et, le voyant sans cesse,
287 Même au pied des autels que je faisais fumer,
288 J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.
289 Je l'évitais partout. À comble de misère!
290 Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
291 Contre moi-même enfin j'osai me révolter:
292 J'excitai mon courage à le persécuter.
293 Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
294 J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre,;
295 Je pressai son exil; et mes cris éternels
296 L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
297 Je respirais, Oenone; et, depuis son absence,
298 Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence;
299 Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
300 De son fatal hymen je cultivais les fruits.
301 Vaines précautions! Cruelle destinée!
302 Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
303 J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné:
304 Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
305 Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée:
306 C'est Vénus tout entière à sa proie attachée.
307 J'ai connu pour mon crime une juste terreur:
308 J'ai pris la vie en haine et ma flamme en horreur;
309 Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
310 Et dérober au jour une flamme si noire:
311 Je n'ai pu soutenir tes larmes, tes combats:
312 Je t'ai tout avoué; je ne m'en repens pas,
313 Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
314 Tu ne m'affliges plus par d'injustes reproches,
315 Et que tes vains secours cessent de rappeler
316 Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler.
Ecrit par amore, le Mardi 27 Janvier 2004, 18:45 dans la rubrique coup de coeur.
Commentaires :
sultan_ali
18-02-04
à 06:53
prof-marjo